Mr le président,
Nous sommes le 28 mars 2020, je vous écris depuis l’appartement de Mme T. qui devrait fêter, si le coronavirus ne la fauche pas avant, ses 104 printemps le mois prochain.
Elle vit dans une résidence pour personnes âgées, dans laquelle moi et mes collègues infirmières libérales, intervenons depuis plusieurs années.
Permettez moi de vous montrer à quoi nous en sommes réduites en ce beau jour de mars. Regardez bien la photo s’il vous plaît.
J’ai 2 patients potentiellement atteints par ce virus et je viens de faire la toilette d’une dame de 104 ans, équipée d’une charlotte, d’un simple masque chirurgical (dont vous connaissez parfaitement l’inutilité puisque lors de votre dernier discours à Mulhouse vous aviez la chance de porter un masque FFP2 depuis longtemps introuvable en pharmacie y compris pour les professionnels de santé, alors que je doute fort que vous ayez été en contact direct avec les malades), de surchaussures et d’un SAC POUBELLE gracieusement fourni par l’établissement parce que les stocks de blouses sont en rupture.
Alors moi, aujourd’hui, j’ai envie de pleurer, parce que comme beaucoup de mes collègues j’ai du me résigner à laisser mes enfants à mon ex-mari pour ne pas les contaminer, je ne les ai pas vus depuis 15 jours maintenant.
Parce que j’ai transformé ma buanderie en sas de décontamination et que malgré ça je vis dans l’angoisse de contaminer mon conjoint.
Parce que chaque jour je vais voir mes patients avec la crainte de contaminer les plus fragiles d’entre eux.
Monsieur le Président, arrêtez vos discours de remerciements, c’est indécent.
Quelle haute estime devez-vous avoir de vous-même pour imaginer une seule seconde qu’un simple merci de votre part suffira à nous faire oublier vos carences, ainsi que les gaz lacrymogènes dont vous nous aspergiez il n’y a pas si longtemps encore.
Arrêtez de nous promettre du matériel qu’on ne voit pas arriver.
Arrêtez de nous qualifier de héros.
Un héros se sacrifie pour une cause.
Je ne veux pas me sacrifier: en tout état de cause, c’est VOUS qui me sacrifiez.
Arrêtez de parler des soignants comme de bons petits soldats.
Les soldats ont des armes.
Nous, on a des sacs poubelles.
Mélany Le Barz-Ceretta
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