De la fin 1921 à Juillet 1931, j’ai vécu à l’école du Plantis, chez Melle Gouin qui y fut institutrice pendant 30 ans. A cette époque l’institutrice du village était aussi secrétaire de mairie et respectée de tous. On l’appelait avec déférence : « Mademoiselle ».
En septembre dernier j’ai eu la joie de revenir en visite dans ma région natale et de revoir les lieux de ma petite enfance : l’église, le bourg et bien sûr l’école, mon école !
L’école
La voici, derrière le calvaire, devant le terrain en pointe où une pelouse a remplacé le jardin potager.
L’habitation n’a pas changé, entre la mairie et l’école : une belle construction, comme l’étaient les écoles des villages alentour. Un rosier grimpait sur la façade, jusqu’à la fenêtre de ma chambre : il était, au printemps, couvert de roses pompon.
Il n’y avait personne le jour de notre passage je n’ai donc par pu revoir un peu l’intérieur. Par les fenêtres, j’ai aperçu la salle communale où autrefois était la classe avec ses rangées de tables, côté garçons, côté filles : les filles le long du mur côté cour, les garçons côté jardin. Une petite porte communiquait avec notre habitation et c’est par là que j’entrais chaque matin pour ma journée scolaire. La classe regroupait toutes les sections du cours préparatoire au certificat d’études.
Melle Gouin, passait de l’une à l’autre des sections comme c’était le cas pour nombre d’écoles de village à l’époque.
Sur le poêle à bois installé au milieu de la classe, les enfants déposaient leur gamelle à réchauffer pour le repas de midi. Et le soir, les plus grands vidaient les cendres et préparaient le foyer pour le lendemain matin.
Derrière, la petite cour de récréation : un muret bas la coupait partiellement en deux (séparation des sexes oblige !). Les préaux sont encore là… et même les WC !
Les épreuves du certificat d’études avaient lieu fin juin au chef lieu de canton, Courtomer.
Je ne me souviens pas d’échec à cet examen : les jeunes candidats du Plantis étaient tous reçus chaque année, car bien préparés par un enseignement solide et exigeant.
D’ailleurs il arrivait que de jeunes instituteurs des communes voisines viennent se former auprès de Melle Gouin.
Les fêtes
Sitôt après, le résultat des épreuves, l’école devenait une ruche bourdonnante pour préparer la distribution des prix !
Un ami installait l’estrade. Puis les villageois apportaient de petits arbustes, des feuillages, des fleurs… si bien que la petite cour se transformait en théâtre de verdure.
Les élèves avaient appris bien à l’avance monologues ou saynètes.
Le jour venu, un dimanche, une nombreuses assistance applaudissait les acteurs en herbe évoluant dans ce cadre à la fois champêtre et festif.
Car le talent artistique de Melle Gouin faisait réaliser, aux petits campagnards que nous étions, de très belles choses.
C’était une belle fin d’année scolaire, une fête splendide pour le village tout entier et ses environs.
Sa renommée dans le canton, y faisait venir de nombreuses familles. M. le maire présidait.
Au Plantis on travaillait dur dans les fermes, disséminées dans les hameaux, où les distractions étaient d’autant plus appréciées qu’elles étaient rares.
En mai on allait en procession à la chapelle Saint-Jacques, dans le bois d’Ecuenne. Il y avait là une fontaine à l’eau miraculeuse, disait-on. On cueillait du muguet en revenant.
L’église Sur son promontoire elle me rappelle l’abbé Fleury. C’était un curé sévère au catéchisme mais très actif et de plus très bon musicien. Il savait faire vibrer l’harmonium les jours de fête.
Il organisa dans les années 28 ou 29 une belle cérémonie pour dédier l’église à Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, sainte normande pas excellence, née à Alençon et la « sainte des roses ». L’abbé voulait 10 000 roses pour son église ! Et ce furent des centaines de roses en papier que les villageoises confectionnèrent, dirigées par l’institutrice (l’église et l’école laïque faisaient bon ménage). Ce fut une très belle fête.
Le bourg
Je me souviens des personnes qui habitaient les cinq ou six maisons du bourg.
Surtout l’épicerie Ruchot où l’on trouvait un peu de tout, même le pain fourni par une boulangère de Courtomer qui venait le livrer en carriole. Le dimanche matin, un boucher, de Courtomer lui aussi, vendait beefsteaks et pot-au-feu dans la remise de M. Ruchot. Hélas, ce bâtiment abandonné est bien triste à voir.
En face, l’été, avait lieu la fête patronale : « La Mont Carmel ». Une loterie, un petit manège et un bal le soir en faisaient l’animation.
J’ai connu aussi Victoire Bénard qui entretenait le jardin de l’école, Maria Blanchard chez qui j’allais chercher le lait, les Leconte, Fleuriel, Potier, Baglin ; Mme Massard, Mme Coulboeuf.
Joseph, le sacristain, Arthur Letourneau qui acheta la première automobile du village : une ford vert foncé, la première voiture où je suis montée avec fierté du haut de mes huit ou neuf ans !
Il y avait aussi Gabrielle Georget et ses fils Alexis et François, lui qui, cultivateur au hameau de Guerne, devint maire du Plantis.
A la belle saison, nous allions souvent passer la soirée dans une famille, à la ferme, invitées pour une « soupade ». Quelquefois, nos hôtes avaient un conseil à demander à « Mademoiselle » ou une lettre à rédiger. Au retour, comme il faisait nuit, on attelait la carriole pour nous ramener, « Mademoiselle » et moi, jusqu’à l’école.
La vie était paisible au Plantis. Pourtant un fait divers dans les années 30, après mon départ, fit la une des journaux locaux. Une vieille dame, Mélanie Jarossay, que je connaissais bien, fut assassinée par un garçon employé dans une ferme de la commune. Je ne sais plus quel a été son châtiment.
Personnellement, après avoir passé le concours des bourses, j’ai quitté la petite école du Plantis en 1931 pour l’Ecole Primaire Supérieure d’Alençon où je me suis préparée à être moi-même institutrice. Puis j’ai quitté ma Normandie pour suivre mon mari en région parisienne.
Melle Gouin, retirée en 1937 à Alençon, a eu le grand malheur de perdre sa maison détruite par une bombe en 1944. Elle est décédée en 1950.
Si nous n’avons croisé personne lors de notre passage, cela m’a fait plaisir de voir des propositions d’animation (cinéma, atelier artistique)… Ce blog, découvert par ma fille, est une excellente initiative pour mieux connaître Le Plantis, celui d’hier et celui d’aujourd’hui. Peut-être me sera-t-il possible, par son intermédiaire, de savoir s’il existe, parmi les habitants, des descendants des familles que j’ai connu. Ce serait pour moi une grande joie.
Colette Laisney